Quel rapport entre ateliers vélos et sexisme ?
Tout ça part d’un constat : nos ateliers sont davantage fréquentés par des hommes cisgenres (personne cisgenre : qui se reconnaît dans le genre qui lui a été assigné à la naissance).
Pourquoi ce déséquilibre ? La faute au sexisme !
Qui dit mécanique vélo dit activité très genrée… On apprend tôt aux garçons à utiliser des outils (ex : jouets) et à intégrer un vocabulaire technique, alors que les filles sont habituellement écartées de ce type d’activités. Même s’ils n’ont jamais fait de mécanique vélo en entrant dans l’atelier, les hommes cis sont davantage susceptibles de s’y sentir à l’aise. Les femmes et autres personnes qui ne sont pas des hommes cis sont généralement moins enclin·e·s à venir dans un atelier vélo participatif, en partie à cause de ce rapport différencié aux outils / à la technique (qui n’est pas naturel mais socialement construit). Par ailleurs, iels ont tendance, de par leur éducation, à se rabaisser et à minimiser leurs aptitudes manuelles, et en ce sens, vont plus souvent que les hommes cis utiliser l’argument qu’elles ne connaissent pas suffisamment la mécanique pour devenir bénévoles mécanicien·nes. On entendra plus souvent une femme dire « Je suis nulle en mécanique » plutôt que de simplement dire qu’elle ne connaît pas ou peu.
Comment ça se manifeste à l’atelier ?
Les formes sont multiples et on les voit à chaque séance. Si les personnes qui ne sont pas des hommes cis arrivent jusqu’à l’atelier (victoire !), une fois rentrée·e·s elles peuvent subir des situations inconfortables :
- Elles font l’objet d’une attention paternaliste, se voulant aidante, qui les prive de la possibilité de réparer elles-mêmes leur vélo, en autonomie si elles le souhaitent. Par exemple : à leur arrivée dans l’atelier on présume qu’elles s’y connaissent peu en mécanique vélo et qu’elles ont davantage besoin d’aide ; on leur prend les outils des mains ; on ne leur explique pas ce qu’on est en train de faire…
- L’ambiance (son, blagues, discussions…) de l’atelier peut ne pas les mettre suffisamment à l’aise. Cela peut les empêcher de trouver leur place, et trop souvent on observe qu’elles n’occupent pas l’espace disponible, réparent dans un coin ou passent plus de temps dans l’incertitude d’une réparation.
- Par ailleurs, côté bénévoles, ces personnes peuvent subir différentes formes de sexisme de la part des bénévoles/adhérents hommes cis et doivent perpétuellement démontrer leur légitimité à encadrer les permanences. Par exemple, les adhérent·e·s peuvent ne pas leur accorder autant de confiance qu’aux bénévoles hommes lorsqu’elles leur donnent des conseils dans leurs réparations, ou bien on va moins souvent les solliciter que les bénévoles hommes.
Un outil : les permanences en mixité choisie sans homme cisgenre
Chez Les Jantes du Nord, on réfléchit encore comment lutter au mieux contre tout ça, et pour l’instant, outre notre charte et l’affichage féministe sur nos murs, on organise des permanences en mixité choisie sans homme cisgenre !
Ces permanences invitent les personnes qui ne sont pas des hommes cis à venir apprendre à réparer leurs vélos entre elles, « se roder », prendre confiance dans cette activité, réaliser qu’elles peuvent être compétentes dans ce domaine. Elles peuvent ainsi se réapproprier la mécanique vélo dans un espace plus égalitaire et sécurisant, c’est à dire où elles risquent moins de subir des attitudes sexistes/genrées.
L’idée est qu’elles se sentent le plus à l’aise possible à l’atelier, et puissent par exemple y revenir lors des permanences en mixité. Les permanences en mixité choisie peuvent constituer une sorte de « tremplin » pour que ces personnes s’approprient le lieu et son fonctionnement, et pourquoi pas (on l’espère) deviennent à leur tour bénévoles !
La mixité choisie est un outil qui permet l’auto-émancipation des personnes opprimées : c’est à celles-ci de diriger la lutte contre leur oppression, et de définir cette oppression elles-mêmes. La mixité choisie leur permet donc de partager, verbaliser les rapports de domination qu’elles seules subissent.
La mixité choisie n’est pas une fin en soi, mais un moyen d’amener plus de mixité dans les ateliers. Les ateliers non-mixtes sont un outil parmi beaucoup d’autres pour vivre dans une société moins inégalitaire !
En savoir plus
Merci d’avoir lu jusqu’au bout !
Si tu te poses encore des questions, il existe plein de ressources à lire, à regarder :
- La page « Les questions liées au genre » dans les ateliers participatifs et solidaires sur le Wiklou.
C’est LA principale source, pleine de témoignages, de réflexions ! - L’article de Reporterre : les ateliers vélos antisexistes roulent de mieux en mieux sur d’autres ateliers en mixité choisie sans hommes cis.
- La non mixité, une nécessité politique, par Christine Delphy : version écrite ou version vidéo (durée 5 min).
- Article sur La Rotative.
- « Dudey Free Zone« , un super documentaire en ligne, malheureusement en anglais non sous-titré, sur des ateliers en mixité choisie sans hommes cis aux États-Unis. S’il te reste des questions, tu peux trouver moult réponses sur le Wiklou et dans le document des Heures Félines, de l’atelier de Lyon, le Chat Perché.